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Autorisé, agréé, officiel … ce qui se cache derrière les mots 

Intro

Issus du langage commun, « autorisé », « agréé » ou « officiel » qualifient une réalité désormais essentielle en droit de la concurrence : celle du réseau sélectif qui voit un fabricant ou importateur choisir de ne travailler qu’avec les distributeurs qu’il a spécialement choisis, écartant tous les autres. Quels sont les droits, obligations, contraintes et garanties qu’il faut en déduire ? Laurent du Jardin, professeur à l’Université catholique de Louvain et avocat au barreau de Bruxelles, nous propose un petit tour de la question.

Issus du langage commun, « autorisé », « agréé » ou « officiel » qualifient une réalité désormais essentielle en droit de la concurrence : celle du réseau sélectif qui voit un fabricant ou importateur choisir de ne travailler qu’avec les distributeurs qu’il a spécialement choisis, écartant tous les autres. Quels sont les droits, obligations, contraintes et garanties qu’il faut en déduire ? Laurent du Jardin, professeur à l’Université catholique de Louvain et avocat au barreau de Bruxelles, nous propose un petit tour de la question. Quels sont les droits, les obligations, les limites et les garanties qui en découlent ? Laurent du Jardin, professeur à la Katholieke Universiteit Leuven et avocat au barreau de Bruxelles, nous propose un bref aperçu de ces questions.

LA stratégie du fabricant

Historiquement, ce qu’on appelle la « sélectivité » est née dans le luxe (parfums, montres, ...). L’idée, non démentie depuis, est que certains produits ne peuvent s’accommoder d’un cadre de vente ne correspondant pas à leur qualité. Très tôt (arrêt METRO de la Cour de Justice des Communautés Européennes de 1977), les fabricants ont été autorisés à sélectionner leurs distributeurs (d’où les mots « autorisé », « agréé » ou « officiel » : ils sont ici synonymes). Les fabricants l’ont fait sur le fondement de critères qualitatifs dont les seules exigences étaient qu’ils soient objectifs (non discriminatoires), nécessaires (aux exigences du produit) et proportionnés. S’y est ajoutée une dimension quantitative permettant aussi et en tout état de cause aux fabricants de limiter le nombre de distributeurs. C’est que, dans des marchés toujours limités (même si la demande peut se révéler très élastique), il est vain, voire contreproductif, d’autoriser un nombre illimité de partenaires. Le risque est en effet que, si chaque distributeur qui répond aux critères est autorisé à vendre, la part de marché de chacun ne permette la satisfaction de personne.

Ce qui est nouveau, c'est la souplesse avec laquelle la sélectivité s'est progressivement étendue à des produits qui ne sont pas nécessairement des produits de luxe. Les écoles de marketing citent désormais le cas de NESPRESSO : un produit de base (le café) tire de son mode de distribution (un réseau reconnu) une aura qui légitime la sélectivité appliquée par la suite. Une forme d'autoréalisation qui s'apparente à une formule magique ("Je dis que c'est : ça devient" ) ! La Cour de justice de l'Union européenne a explicitement reconnu dans un arrêt COTY de 2017 que l'image peut faire partie de la qualité d'un produit, et que la distribution elle-même peut y contribuer (ce qui peut interdire certains canaux de vente, comme les plateformes de type AMAZON).

On comprend alors que la notion de distributeur autorisé, agréé ou officiel: 

- n'est plus seulement une conséquence de la qualité du produit, 

- qu’elle en devient au contraire une partie intégrante, permettant de tirer le produit vers des niveaux élevés de qualité, de notoriété… et donc de rentabilité à défaut inaccessibles.            

Pour le fabricant qui recherche le meilleur produit, la stratégie ne peut être que d’en vouloir la meilleure distribution (inutile d’avoir le premier si on a pas la seconde). Merveille de la distribution sélective qui contribue elle-même à la qualité (en ce compris l’image) du produit distribué.

L'arme du distributeur

Être le distributeur autorisé, agréé ou officiel d’une marque est un privilège qui s’accompagne d’indéniables contraintes:   

- tant que dure le contrat : respecter strictement et à chaque instant les critères qualitatifs qui conditionnent le statut, 

- une fois le contrat terminé : s’abstenir de tout ce qui pourrait contribuer à une confusion dans l’esprit du client (ce qui n’empêche pas la poursuite de la vente des stocks valablement acquis, tant qu’elle ne donne pas l’impression que le revendeur fait toujours partie du réseau officiel).

Il n’en reste pas moins que dans un univers toujours plus concurrentiel, être le distributeur autorisé, agréé ou officiel d’une marque est un précieux sésame.

A l’égard du fabricant, la qualification établit l’existence d’une relation-cadre (en étant sélectionné, l’acheteur-revendeur acquiert nécessairement un statut de distributeur) dans laquelle le distributeur puise une garantie d’approvisionnement : le fabricant est contractuellement tenu de donner suite à ses commandes. Certes, c’est dans la mesure des stocks disponibles. Mais c’est aussi sans possible discrimination. Ces précisions ont leur importance dans un secteur horloger où chacun sait les tensions qui entourent la disponibilité parfois très limitée des blockbusters.

A l’égard des autres revendeurs, la qualification permet de mieux lutter contre la concurrence du « marché gris ». L’interdiction de fournir les revendeurs non agréés fait partie de la définition même du système de distribution sélective. Il serait cependant naïf de croire que la règle garantit la parfaite étanchéité du réseau officiel. Être autorisé, agréé ou officiel permet : 

- non seulement de s’opposer avec un juste titre à un revendeur non-agréé, 

- mais aussi d'exiger du fabricant qu'il intervienne à cet égard.

Bref, distributeur autorisé, agréé ou officiel est bien plus qu'une qualification juridique : c’est un formidable outil de marketing et une redoutable arme de concurrence. Ce que confirme l’examen des garanties du client.

Les garanties du clients     

Auprès d’un distributeur autorisé, agréé ou officiel, le client trouve des garanties qu’il n’a nulle part ailleurs.

Dans la boutique agréée, il bénéficie des exigences du fabricant, telles qu’elles se sont exprimées dans ses critères qualitatifs. Elles portent généralement sur l’environnement du produit et les services au client (conseil et service après-vente). Ce sont elles qui forgent la shopping expérience susceptible de convaincre le client de (re)venir dans le point de vente physique, contribuant à sa résistance face à Internet.

Sur Internet précisément, les exigences du fabricant augmentent même en pertinence. L’existence du réseau sélectif rencontre la crainte qu’avec un vendeur qui ne serait que virtuel, il n’y ait aucun service après-vente (pouvoir rapporter le produit auprès d’un réparateur agréé, quel réconfort !). Surtout, la qualité du distributeur autorisé, agréé ou officiel rassure quant au fait que le produit est authentique (la contrefaçon, quelle plaie !).

Paradoxe : alors qu’il y a moins de 10 ans, on pensait que la sélectivité des produits de luxe serait incompatible avec leur vente sur Internet, il apparaît désormais que c’est elle qui est la plus susceptible d’organiser la bonne complémentarité des ventes en magasin et sur Internet, une complémentarité devenue la norme incontournable. Le client en est le premier et heureux bénéficiaire ; fabricants et distributeurs agréés ne peuvent que s’en réjouir …       

Derrière les mots « autorisé », « agréé » ou « officiel », il y a donc un réseau sélectif devenu la stratégie de très nombreux fabricants. Dans ces cas, la qualité du distributeur représente son arme la plus efficace. Elle contribue, dans le chef du client, à des garanties sans équivalent. 

Tout cela est tellement vrai que, dans un contexte de commerce électronique devenu inéluctable, et alors qu’il n’y a plus de raison de s’en limiter aux seuls produits de luxe, il est à peine exagéré de dire que l’avenir de toute distribution sera sélectif … ou ne sera pas. Cela valait bien ces quelques lignes.

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